lunedì 10 marzo 2014

Il testo sull'Euro Unione secondo il Glienicker Gruppe

Il think tank Glienicker Gruppe ha espresso in un testo da esso pubblicato recentemente che la necessità di vincere la crisi e di sfruttare appieno le potenzialità dell'Eurozona impone l'istituzione di un vero e proprio governo economico europeo e una relativa legittimità democratica.

Le proposte politiche istituzionali del Groupe Eiffel

POUR UNE COMMUNAUTÉ POLITIQUE DE L’EURO


Préambule


Chacun attendait de l’Union économique et monétaire qu’elle apporte la prospérité et améliore les conditions de vie et d’emploi des Européens, en prélude à un rapprochement politique.

Ses défauts de conception, et des erreurs de pilotage, ont produit l’inverse. Les Européens doutent. Nous sommes néanmoins convaincus qu’il ne faut pas baisser les bras. Les ambitions initiales de la construction européenne – assurer le bien-être et la paix – sont plus que jamais d’actualité. Tourner le dos à l’Europe serait anachronique aujourd’hui, suicidaire demain.

Sans créer des attentes impossibles à satisfaire, ce qui a trop souvent nourri la déception, une nouvelle étape doit être franchie. L’Europe doit apporter des solutions à des problèmes concrets comme la montée des inégalités et du chômage, tout en contribuant à la préservation de la planète. Elle doit, mieux qu’aujourd’hui, assurer le respect effectif des valeurs qu’elle proclame et qui, au-delà du marché et des procédures, sont susceptibles de rassembler les Européens. Elle doit de nouveau entraîner.

C’est pourquoi nous proposons un choix stratégique : bâtir une Communauté politique, démocratique, à partir de l’euro, en nous rappelant que l’union monétaire était conçue comme le socle d’un projet plus vaste, destiné à unir les hommes et non comme une fin en soi.

Notre groupe est pluraliste car l’urgence, comme la violence des attaques contre l’Europe, invitent les Européens de tous bords à se rassembler, dans le respect de leurs sensibilités.

Nous voulons susciter une prise de conscience en France mais aussi lancer un appel qui aille bien au-delà. Convaincus que Français et Allemands conservent une responsabilité particulière, nous partageons l’essentiel du diagnostic et des propositions du groupe Glienicker allemand.



Agnès Bénassy-Quéré – Yves Bertoncini – Jean-Louis Bianco – Laurence Boone – Bertrand Dumont – Sylvie Goulard – André Loesekrug-Pietri – Rostane Mehdi- Etienne Pflimlin – Denis Simonneau – Carole Ulmer – Shahin Vallee[1]



POUR UNE COMMUNAUTÉ POLITIQUE DE L’EURO


Où veut aller la France, dans l’Europe et dans le monde ? Quel est l’avenir, à horizon de dix ou vingt ans, de l’euro et de l’Union Européenne ? Ces questions légitimes ont souvent été laissées sans réponse.

La plupart des gouvernements et des partis politiques s’en sont jusqu’à présent tenus à une approche gestionnaire, « au fil de l’eau ».
Les partis radicaux prônent le repli national et la sortie de l’euro comme si c’était un remède miracle. Une autre réponse, adaptée au monde de 2014, tirant les leçons de la crise et des erreurs collectives, doit être élaborée, pour lancer une dynamique nouvelle.

ANALYSE
Exister dans un monde qui change
Veiller à ce que l’Europe fasse entendre sa voix n’est pas une question de prestige ou une lubie idéaliste. C’est le moyen de faire vivre, à l’avenir, les choix de société chers aux Européens tels que par exemple l’égalité hommes / femmes, l’accès à l’éducation et à la sécurité sociale pour tous, la préservation de l’environnement.

Quand on regarde ce continent de Pékin ou de Riyad, voire de Washington, ce qui rassemble les Européens est infiniment supérieur à ce qui les sépare.
Au-delà des intérêts communs, plus ou moins convergents selon l’horizon de temps, nous partageons un patrimoine d’une exceptionnelle richesse. Quant aux valeurs communes, nées de l’histoire et des drames du vingtième siècle – comme la paix, les droits de la personne humaine, la démocratie - leur fragilité devrait nous inciter à en prendre plus soin encore. Les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme montrent qu’il y a encore beaucoup à faire, en Europe même, pour garantir le pluralisme, rendre plus décentes les prisons ou enrayer la dérive autoritaire de certains Etats membres.

L’ordre du monde, tel que nous l’avons connu depuis plusieurs siècles, est en train de prendre fin. D’ici 20 à 30 ans, plus aucun pays européen ne siégera au G8 qui rassemble les premières puissances économiques de la planète.
La France ou l’Allemagne représenteront moins de 1 % de la population mondiale. Aux obsèques de Nelson Mandela, aucun dirigeant d’un pays européen n’a été invité à prendre la parole. Ensemble, en revanche, nous avons les moyens de peser : avec 350 millions d’habitants, la zone euro possède une taille comparable aux Etats-Unis et son PIB reste supérieur à celui de la Chine, en dépit de la croissance spectaculaire de ce pays. La puissance commerciale européenne est, à ce jour, inégalée. L’Europe a un potentiel industriel, agricole et de services qui doit être valorisé.

Toutefois, l’unité exige des efforts accrus. La « politique étrangère et de sécurité commune » de l’Union européenne reste bien en deçà des attentes.
Même au Fonds Monétaire International, appelé au secours dans plusieurs pays européens, la zone euro n’est pas représentée comme une entité. Vis-à-vis de la Chine, des autres pays émergents ou des Etats-Unis, les capitales européennes ont la vue courte quand elles jouent encore en solo.

Sortir durablement de la crise économique et financière
L’accalmie actuelle sur les marchés financiers ne doit pas nous abuser. Dans plusieurs pays, les politiques engagées ont certes porté des fruits bénéfiques ; l’interdépendance des Etats partageant la même monnaie est désormais mieux perçue. Et des efforts remarquables de discipline et de réformes ont été faits mais ils ont été souvent mal calibrés et mal répartis, comme en Grèce notamment. La politique budgétaire d’ensemble a été trop restrictive, et insuffisamment différenciée. Le surendettement public et privé risque d’asphyxier les économies tandis que les souffrances des populations nourrissent la radicalisation politique. Ce constat ne doit pas conduire à abandonner les efforts d’assainissement, dans l’intérêt même des pays affichant un endettement trop élevé, mais à les compléter.

Un risque majeur aujourd’hui est qu’une déflation à la japonaise ne conduise à la stagnation et au sacrifice d’une génération entière. Très active au début de la crise (2007-2010), la Banque centrale a aujourd’hui encore les moyens d’agir pour conjurer ce risque mais elle doit surmonter de multiples craintes contradictoires, liées aux différences de culture monétaire et à l’hétérogénéité des divers Etats membres.

L’Europe doit mieux s’intégrer à la croissance mondiale et, à cette fin, retrouver une dynamique créative, scientifique, entrepreneuriale. La crise n’est pas seulement une « mauvaise passe » conjoncturelle. Ce sont nos modes de production (notamment industrielle) et d’organisation qui sont remis en cause par les nouvelles technologies, l’interdépendance globale et le vieillissement des populations européennes.

Chaque Etat, et singulièrement la France, doit s’attaquer à ses propres problèmes mais l’Europe doit aussi agir plus vigoureusement. Des solutions communes commencent à être mises en place pour surveiller et assainir le secteur bancaire, sans faire appel à l’argent des contribuables. Encore faudra-t-il qu’elles soient sérieuses pour que les banques puissent de nouveau financer les entreprises et les ménages, à des taux raisonnables, dans toute l’UE.

Surmonter le blocage démocratique
L’ampleur des difficultés donne désormais à la crise une dimension politique. Même si aucune élection n’a abouti à un rejet de l’euro, les Etats qui ont demandé une assistance, comme la Grèce, le Portugal ou l’Irlande, sentent le joug d’une autorité mal identifiée, composée des chefs d’Etat et de gouvernement européens, des ministres des finances (Eurogroupe), de la Banque Centrale et de la Commission européennes, ainsi que du Fonds Monétaire International. Les responsabilités sont diluées dans un magma politico-technocratique, privé de légitimité, dont la « troïka » devient le symbole. Le destin de certains pays a été suspendu au vote du Bundestag et aux décisions de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe. Le sentiment général est tel que le Premier ministre italien Mario Monti a pu parler en 2012 du danger d’une « créditocratie » dont la perception dépasse d’ailleurs la réalité puisque l’Italie n’a reçu aucune assistance et finance, elle aussi, les secours.

Tous les Etats membres ont dû accepter un renforcement de la surveillance mutuelle, indispensable pour restaurer la crédibilité collective. Le degré d’intrusion atteint, notamment dans les pays sous programme, alimente toutefois un ressentiment dangereux entre « le Nord » (l’Allemagne essentiellement) et « le Sud ». L’euro devient la source de divisions.

Une partie de l’opinion est égarée. Certains font croire que l’austérité est imposée aux pays du Sud par « l’Europe » quand ceux-ci ont largement mis en péril leur propre avenir en créant trop de dette publique (en Grèce par exemple) ou privée (en Espagne ou en Irlande). Les pays « vertueux » oublient qu’ils ont souvent fourni aux pays « dispendieux » une bonne partie des biens que ceux-ci ont achetés à crédit et même les capitaux pour s’endetter. La responsabilité de la situation actuelle incombe donc à la fois au Nord et au Sud, aux gouvernements nationaux et aux institutions européennes.
Quant aux marchés, censés placer chacun devant ses responsabilités, ils sont longtemps restés aveugles.

D’où la tentation de tout « jeter par-dessus bord », en abandonnant l’euro. Cette hypothèse n’est qu’un leurre. En raison des conséquences en chaîne, personne n’est capable de calculer précisément son coût mais il serait terriblement élevé. La dévaluation augmenterait mathématiquement le coût de la dette libellée en euros, souvent détenue par des étrangers ; elle obligerait les Etats à faire défaut et conduirait à des faillites dans le secteur financier.
Elle accroîtrait aussi le prix des produits importés, à commencer par le pétrole et le gaz. Les entreprises retrouveraient des risques de change à l’exportation, ce qui serait mauvais pour la croissance et l’emploi. Les ménages perdraient une partie de leur épargne, les Européens leur réputation.

Une analyse posée invite au contraire à poursuivre et accélérer la reconstruction de l’union économique et monétaire. Le seul renforcement de règles assorties d’une surveillance mutuelle n’est pas suffisant. La comparaison de la gestion de crise par les Européens et les Américains montre clairement les avantages d’une organisation politique plus légitime et, pour cette raison, plus réactive et efficace.

Une responsabilité française particulière
Une ligne de fracture menace de séparer le Nord du Sud de l’Europe. Parce qu’elle appartient à chacun des deux ensembles et qu’elle a voulu l’euro avec l’Allemagne, la France a un rôle particulier à jouer. Elle peut avoir une action décisive à trois conditions.

La première est qu’elle abandonne quelques unes des illusions dont elle s’est longtemps bercée ; grâce à Jean Monnet et Robert Schuman, elle a été à l’origine de la Communauté du charbon et de l’acier mais elle a aussi donné à la construction européenne ses coups d’arrêt les plus brutaux : de 1954, avec le rejet de la Communauté européenne de défense, à 2005, avec le refus du traité constitutionnel.
Sur l’Europe, depuis des décennies, la France hésite. Quand, à deux reprises, des personnalités allemandes[2] ont proposé une union politique plus poussée, autour d’un noyau dur, avant la mise en place de la monnaie unique, les autorités françaises de tous bords ont dédaigné ces offres, sans même les discuter.

La deuxième condition est que la France affronte enfin la question de sa place dans un monde ouvert, compétitif et fortement intégré. Les Français ont rêvé de « l’Europe puissance » mais celle-ci ne sera jamais « un levier de puissance » à leur service exclusif. Si la République française prend, plus que d’autres partenaires européens, ses responsabilités en matière de sécurité et de défense, comme elle l’a encore montré récemment en Afrique, ses performances économiques des dix dernières années entament sa crédibilité. Le statut de membre permanent du Conseil de sécurité, la force de frappe nucléaire semblent garantir une autonomie qui pourrait se révéler illusoire si nos moyens se réduisent.

Les enjeux européens sont trop souvent réduits à des slogans qui, comme « l’Europe sociale » ou « l’Europe qui protège », ont tendance à enfermer les Français dans leurs angoisses. Nos partenaires européens réussissent mieux à combiner une approche ouverte sur le monde et le désir légitime de défendre leur modèle social. La meilleure protection réside dans la qualité de l’éducation et de la formation ainsi que dans la créativité des entreprises.

Enfin, la France doit redevenir une force de proposition positive. Depuis plusieurs années, elle est dans une posture défensive, pleine de non dits et de tabous. Avec l’euro, la France a d’ores et déjà accepté de partager sa souveraineté.
L’idée que « l’Europe des Nations » peut encore, en 2014, offrir une perspective utile, n’aide pas à progresser. Il n’y a pas de raison de craindre une discussion sur les meilleures formes d’organisation politique, ni de rejeter a priori toute forme de fédéralisme, même si la France n’en a jamais fait l’expérience à ce jour.

Ces peurs diverses, ces incompréhensions nourrissent largement le sentiment de malaise qui est actuellement perceptible dans l’hexagone. Pourtant, au prix d’un travail méthodique, l’influence peut se reconquérir. La bataille qu’a menée le gouvernement français actuel sur la directive sur les travailleurs détachés, donne un exemple récent, positif, de ce qu’un gouvernement qui a bien défini sa position, et la défend, peut obtenir dans l’UE telle qu’elle est. Le faible intérêt pour le Parlement européen, dans la plupart des familles politiques françaises, est un contre-exemple désolant.

Ainsi, l’Europe est « au milieu du gué ». Les insuffisances de l’Union européenne comme ses intrusions dans des Etats qui se croient encore parfaitement souverains, engendrent des frustrations croissantes. De cette impasse, nous suggérons de sortir par le haut.



NOTRE PROPOSITION


Retrouver une ambition politique
Nous proposons une Communauté politique de l’euro, assumée, ouverte sur les autres pays européens et sur le monde, non point parce que l’euro serait une fin en soi mais, au contraire, parce qu’il est l’expression d’un destin commun. Les efforts consentis au nom de la monnaie, dans la crise, n’ont de sens qu’en les replaçant dans une vision politique positive, tournée vers l’avenir, à la hauteur de notre identité européenne partagée.



Sa première mission devra être de consolider la monnaie unique, car c’est la condition du retour de la prospérité et de l’emploi. L’exigence de « compétitivité » semble trop souvent signifier baisse des salaires et des prestations sociales ou nivellement par le bas. Cette approche ne peut constituer un avenir désirable, d’où l’idée d’un Communauté de l’euro qui aille au-delà de ce que fait la zone euro actuelle.



Sans remettre en cause l’engagement mutuel de saine gestion des finances publiques, ni les efforts de réforme accomplis dans la crise, la Communauté se dotera de nouveaux instruments destinés à amortir les aléas de la conjoncture et à soutenir les populations les plus fragiles. Ceci peut passer par l’octroi, par le niveau européen, d’allocations chômage ou encore par des politiques encourageant la mobilité, accompagnées d’une harmonisation partielle des marchés du travail. La solidarité ne saurait se concevoir sans une plus grande responsabilité mais un effort collectif est nécessaire si nous voulons stabiliser et rendre durable, aux yeux des citoyens, l’union économique et monétaire.



Devront être mises au cœur des ambitions de la Communauté de l’euro, la lutte contre les inégalités et l’exclusion, la valorisation du capital humain par l’éducation, la formation et l’innovation : ces dernières années, trop souvent, une conception excessivement extensive de la « subsidiarité » a conduit à faire passer au second plan l’existence de droits reconnus à tous les citoyens européens, où qu’ils vivent en Europe.
La dignité de la personne humaine est le premier d’entre eux, avec la préservation de l’environnement et la qualité de la vie.



Dans le même temps, cette Communauté mènera des politiques tournées vers le long terme, dans les domaines où elle peut être plus efficace que chacun des membres qui la composent. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut penser à l’investissement dans la transition énergétique et aux grandes infrastructures telles que les réseaux numériques, de transport et d’énergie ou encore la recherche, au service de la production industrielle mais aussi d’une agriculture capable de nourrir une planète très peuplée, où les ressources vont se raréfier. Le droit et la justice sont des valeurs en soi ; ce sont aussi des cadres particulièrement importants de l’épanouissement de l’activité économique et de la croissance : sécurité juridique, simplicité des règles, diligence de la justice par delà les frontières, lutte contre la corruption sont autant d’objectifs que la Communauté de l’euro fera siens.



La Communauté de l’euro doit également avoir un rôle sur la scène mondiale car une telle puissance commerciale et économique ne saurait se désintéresser de l’avenir de la planète. Pour nous, la question de savoir si l’échelon « zone euro » est pertinent nous paraît secondaire par rapport à nos responsabilités. Notamment face aux Etats-Unis et à la Chine, mais aussi dans son environnement immédiat, pour ne pas laisser en déshérence les questions de libertés publiques, de sécurité et de migrations, cette Communauté aura vocation à exercer une représentation externe, économique d’abord mais aussi diplomatique voire de défense. Le rythme et les modalités méritent débat mais nous ne devons pas oublier que la déclaration Schuman de 1950 commence par l’ambition de préserver « la paix mondiale » et fait référence au développement de l’Afrique, un continent qui est encore plus stratégique aujourd’hui.

Des garanties démocratiques
La Communauté de l’euro devra offrir des garanties démocratiques correspondant aux standards les plus élevés des pays qui la composent. Les Allemands peuvent être légitimement fiers d’avoir édifié, depuis 1949, une démocratie et un Etat de droit exemplaires. Après l’histoire tourmentée du vingtième siècle, c’est un progrès non seulement pour l’Allemagne mais aussi pour tout le continent. Toutefois, les autorités allemandes doivent comprendre que le contrôle des décisions européennes par les institutions d’un seul pays est difficilement acceptable par les autres. Sans doute ne l’accepteraient-ils pas eux-mêmes. La situation actuelle, où des organes fédéraux allemands (Bundestag, Cour de Karlsruhe) tiennent le sort de l’euro (et de certains pays) dans leurs mains, n’est bonne ni pour l’Allemagne, placée en position hégémonique, ni pour les partenaires de l’Allemagne, réduits à obtempérer.



Un exécutif propre de la Communauté de l’euro, distinct des organes nationaux, resserré[3] devra être mis en place ; ce gouvernement sera choisi à l’issue de l’élection d’une assemblée par les Européens des pays de la Communauté exprimant leurs suffrages le même jour, selon les mêmes modalités. Ce point est capital ; on ne saurait appeler « gouvernement » (économique ou sans qualificatif) une autorité désignée et non point « élue » au cours d’un scrutin pan européen, ouvert, permettant de choisir clairement entre des options politiques.



L’assemblée sera chargée de contrôler l’exécutif en continu et, le cas échéant, de le censurer. Pour éviter les duplications et marquer l’esprit d’ouverture de la Communauté vis-à-vis de l’UE, l’assemblée parlementaire de la Communauté pourra être composée de députés siégeant également au Parlement européen (de l’UE à 28).[4]



Cet exécutif aura d’une part pour mission de mener à bien les politiques qui lui sont confiées, en disposant d’un budget autonome, financé par des ressources propres (voir infra).
Dans ses domaines de compétences, il jouira d’un pouvoir discrétionnaire, naturellement encadré par les règles fixées en commun et sous le contrôle de l’assemblée parlementaire et de la Cour de Justice. D’autre part, il veillera au respect, par les gouvernements nationaux, des engagements mutuels.



Les Etats conserveront des responsabilités propres, pour la conduite de leurs politiques selon une définition claire des compétences qui rompe avec la facilité d’une « subsidiarité » mal définie, prétexte à toutes les renationalisations.



Les Parlements nationaux continueront d’exercer le contrôle des gouvernements nationaux, conformément aux constitutions nationales et les dispositions en ce sens peuvent être renforcées dans de nombreux pays, dont la France. Les conditions de naissance et de financement du Mécanisme Européen de Stabilité ont conduit à confier, dans l’immédiat, aux Parlements nationaux le contrôle des engagements budgétaires nationaux qui lui sont alloués. En toute logique, tant que ces structures demeurent financées par des fonds nationaux, le contrôle par les députés nationaux se conçoit.
En revanche, à terme, le principe doit s’imposer qu’à décision européenne, contrôle européen, à décision nationale, contrôle national. Il faut éviter de faire reposer le contrôle démocratique sur des structures qui diluent les responsabilités, comme l’envisage par exemple le « pacte budgétaire[5] » associant, de manière peu précise, pour ne pas dire allusive, parlementaires nationaux et européens. Les citoyens demandent, à juste titre, de comprendre qui est responsable de quoi.



Notons aussi qu’ils réclament de nouveaux modes de décision, plus interactifs, plus « participatifs ». La question n’est pas seulement de faire vivre la démocratie représentative, en s’interrogeant sur le partage de pouvoir entre Bruxelles et les Etats membres, Parlement européen et Parlements nationaux. Elle devra être complétée par des liens plus étroits entre les citoyens, les entreprises, les médias, les collectivités, par delà les frontières.
La Communauté de l’euro doit être une Communauté vivante qui implique les sociétés toutes entières.



Enfin, l’une des graves lacunes de l’union économique et monétaire actuelle est que la sanction des éventuels manquements des Etats à leurs obligations n’a pas été prévue. Dans un Etat de droit, il est important qu’un juge puisse trancher les différends. Notre préférence irait, là aussi, à ne pas dupliquer les institutions et à confier ce rôle à la Cour de Justice de l’UE qui s’organiserait spécialement pour juger les affaires de la Communauté de l’euro.

Un budget de la Communauté
La Communauté de l’euro devra être dotée d’un budget autonome destiné à financer les politiques que nous venons de décrire plus haut dans ce document. Son autonomie par rapport au budget de l’UE tiendra au fait qu’il est d’abord conçu pour régler des questions spécifiquement liées à l’existence et au fonctionnement de l’euro : stabiliser l’union économique et monétaire par une assurance chômage commune par exemple. Au-delà il allouera des ressources pour améliorer la formation, accroître la mobilité des travailleurs ou mettre en place des infrastructures énergétiques, industrielles, et de services au bénéfice de la Communauté.

Il devra impérativement être alimenté par des ressources propres, afin d‘éviter les débats impropres et contre-productifs sur le « juste retour », dont nous avons fait l’expérience dans l’UE. Parmi les ressources envisageables, on peut citer l’impôt sur les sociétés ou des taxes environnementales (taxe carbone). La création du budget de la Communauté sera l’occasion de procéder à une certaine harmonisation fiscale (harmonisation des assiettes, quitte à laisser aux Etats une certaine maîtrise des taux, dans une fourchette).

Ce budget pourra aussi permettre de faire des économies au niveau national, en rationalisant les dépenses. C’est particulièrement vrai pour la Défense. La question de la capacité d’endettement collective devra également être posée, au moins à terme, en précisant qu’il ne s’agit pas de mutualiser la dette existante des Etats mais, le cas échéant, d’emprunter ensemble pour financer des projets communs.

Une question est ouverte, que ce groupe ne prétend pas trancher définitivement. Dans une Communauté de l’euro ainsi complétée, la perspective du défaut souverain serait à nouveau crédible car elle ne déstabiliserait pas tout l’édifice et ne toucherait pas les plus vulnérables. A terme, un défaut des Etats membres pourrait être réintroduit, afin de responsabiliser les dirigeants nationaux et les marchés. La Communauté serait alors d’autant moins intrusive que la répartition des responsabilités serait plus claire, chacun assumant son propre risque. Telle est l’une des vertus du fédéralisme que le débat français, en général, escamote : les entités fédérées sont mieux protégées contre les intrusions de l’échelon central. Le résultat paradoxal de la situation actuelle est que la zone euro pratique en catimini ce qu’on a pu appeler un « fédéralisme d’exception », interférant avec les décisions nationales sans que cette situation ait été complètement prévue, et encore moins expliquée et légitimée.

La relation Communauté / UE
Notre souhait est de faire cohabiter, de manière aussi harmonieuse que possible, la Communauté politique de l’euro et l’Union Européenne à 28, dont la raison d’être ne disparaît naturellement pas. Il est dans l’intérêt de tous les pays européens que la zone euro se stabilise durablement, tout comme il est dans l’intérêt de celle-ci que le marché unique à 28 soit consolidé, et les institutions communes de l’UE, au premier rang desquelles la Commission européenne, soient renforcées.



Tous les Etats de l’UE qui désireront rejoindre la Communauté politique de l’euro, en acceptant les droits et les devoirs qui y sont liés, seront les bienvenus (même si la question des écarts de revenus gagnera à être prise beaucoup plus au sérieux à l’avenir). En revanche, les Etats qui font le choix souverain de ne pas partager la monnaie devront en assumer toutes les conséquences, sans se plaindre d’une prétendue discrimination. A cet égard, il est temps de clarifier les choses, en rendant à la zone euro ce qui appartient à la zone euro et à l’UE ce qui appartient à l’UE.
Des mécanismes de secours financés par les seuls pays qui en sont membres, ont été créés dans la crise (Mécanisme européen de stabilité, demain peut-être un fonds de résolution bancaire). Leur contrôle relève des pays contributeurs, et d’eux seuls. En outre, il est tout à fait légitime que les pays de la zone euro se dotent d’outils communs plus poussés ou de politiques conjointes car ils doivent compenser le fait qu’ils aient renoncé à certains instruments tels que la politique de change.



Il est probable que, d’ici quelques années, le panorama soit assez différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Parmi les 28 Etats membres de l’UE, deux seulement (le Royaume-Uni et le Danemark) ont une dérogation concernant la monnaie ; tous les autres se sont engagés à adopter l’euro, notamment la Pologne qui est un pays majeur. En outre, la négociation d’un accord de libre échange avec les Etats-Unis, si elle aboutit, pourrait bien transformer le marché intérieur.
Enfin, il est difficile de savoir à quoi aboutira la promesse de David Cameron d’organiser un référendum sur l’appartenance de son pays à une UE « rénovée ». L’essentiel est d’avancer dans un esprit coopératif. Le cercle le plus ouvert, autour du marché unique, pourra le cas échéant accueillir des pays dont l’adhésion est problématique, en raison de leur taille (Turquie, Ukraine) ou de leur retard de développement (Moldavie, Albanie).



UNE METHODE
Nous sommes convaincus, avec le groupe allemand des Glienicker, qu’une « Europe optimale », conçue avec une grande rigueur intellectuelle, a plus de chance de convaincre les opinions qu’une « Europe minimale », toujours frustrante.

C’est d’ailleurs ce qu’enseigne l’expérience. Depuis deux décennies environ, les gouvernements ont choisi de présenter l’Europe comme un mal nécessaire dont ils essaient de limiter les « dégâts », et non comme une « nouvelle frontière », à conquérir collectivement. Bien des pro européens ont d’ailleurs voté non en 2005, par déception. Les citoyens, comme les marchés et les investisseurs, ont surtout besoin d’un cap. Ce qui nous pousse à récuser les termes « zone euro », et à privilégier ceux de « Communauté » de l’euro, c’est que les premiers ne reflètent en rien l’envergure politique du projet.
Si le cap est clair, et assorti d’un calendrier précis et respecté, ce sera déjà un progrès. Il est inutile de brûler les étapes.

Vu l’ampleur des réticences, l’entreprise devrait être préparée soigneusement à traité constant dès aujourd’hui. Dans l’intervalle, la priorité serait d’améliorer la situation économique et sociale qui exacerbe les tensions dans les pays membres et entre eux. La question de la dette devrait également être abordée et la modernisation des économies des 28 accélérée.

A terme, la naissance d’une Communauté de l’euro appelle un nouveau traité dont les modalités de ratification devraient être fixées en amont ; il est possible, en vertu du droit international, de prévoir que la ratification ne soit pas unanime (afin d’éviter qu’une infime minorité de population ne prenne toute la Communauté en otage) et d’empêcher que les Etats refusant d’avancer, ne bloquent les autres.
En démocratie, le non doit rester possible mais les conséquences d’un rejet doivent peser sur le pays qui l’exprime, pas sur les partenaires volontaires.

En outre, le consentement tacite des citoyens européens à l’intégration européenne a cessé. Le passage à la Communauté, tout comme l’accession ultérieure de nouveaux membres, appelle donc une procédure démocratique solennelle, rassemblant tous les Européens concernés. Les citoyens sont lassés des décisions d’adhésion modifiant subrepticement, à leur insu, le périmètre de la « communauté de destin ». C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le Traité Constitutionnel a été rejeté en 2005.

Si nécessaire, il faudra mener une double négociation : celle d’un traité entre pays désireux de participer à la Communauté politique de l’euro et celle des 28 pour réformer l’UE. Deux écueils devraient être évités : l’exclusion de ceux qui voudraient avancer loyalement, le chantage de ceux qui voudraient empêcher les autres d’avancer, sans toutefois accepter les contraintes de l’euro.

*

Un nouvel élan peut et doit être donné, une nouvelle étape franchie.
C’est le moment. Et il est urgent que les citoyens de bonne volonté agissent ensemble, par delà les frontières des Etats et les sensibilités.





[1] Chaque membre de ce groupe s’exprime à titre personnel, sans engager aucune institution à laquelle il appartient ou a appartenu. Nous remercions également les experts, hauts fonctionnaires, collaborateurs et amis qui ont participé à nos échanges et enrichi nos discussions.

[2] Karl Lamers et Wolfgang Schäuble en 1994, Joshka Fischer en 2000

[3] Une équipe dont les membres seraient choisis pour leurs compétences, en respectant certains équilibres géographiques, sans que chaque Etat membre soit forcément représenté

[4] Selon une loi électorale modifiée, dont le modèle pourrait par exemple être le mode d’élection des députés du Bundestag allemand, élus pour partie dans des circonscriptions de taille réduite, pour partie sur un scrutin de liste à l’échelle de l’ensemble de la Communauté

[5] Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire signé par 25 Etats membres le 2 mars 2012.